Familles aux bras ouverts
Christine
Ponsard
Nous avons
tous pu lire dans « Famille Chrétienne » les propos bouleversants du
Père Chéreau, responsable du patronage de Notre-Dame du Bon Conseil qui, chaque
jour, accueille des enfants délaissés. Soulignant la gravité croissante des
blessures et des risques qui guettent ces enfants, le Père affirmait : « On
fait des grandes théories sur la délinquance mais il n'y a qu'une solution :
s'occuper des enfants.(…) Les familles chrétiennes ont un rôle à jouer dans
tout cela. On n'imagine pas le bien que peut faire une famille vraiment
chrétienne quand elle est accueillante. » (1)
- Aucune famille chrétienne ne peut
rester sourde à cet appel. Ce n'est pas une option, c'est une obligation. Quand
Jésus dit : « J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et
vous m'avez donné à boire. » (Matthieu 25, 35), il ne parle pas seulement
des nourritures terrestres. Car si l'homme a besoin de se nourrir et de se
désaltérer, il a encore plus besoin d'aimer et d'être aimé. Aucune famille ne
peut se dire vraiment chrétienne si elle n'est pas attentive à cette faim qui
tenaille tant d'enfants. « Celui qui dit : j'aime Dieu et qui n'aime pas son
frère est un menteur. »
- Accueillir et aimer les enfants «
des autres » suppose que nous commencions par être attentifs à nos propres
enfants. Évidence ? Pas si sûr ! Car l'engagement au service des autres peut
cacher une tentation : celle de fuir ses responsabilités de parents… sans se
l'avouer, bien sûr. Combien de mères de famille, par exemple, qui ont
volontairement renoncé à une carrière professionnelle pour élever leurs
enfants, sont constamment absentes de chez elles parce qu'elles sont accaparées
par des œuvres caritatives et du bénévolat en tout genre ! Les intéressées
objecteront que le but qu'elles poursuivent et les mobiles qui les animent ne
sont pas du tout les mêmes que si elles se consacraient à une carrière
professionnelle. C'est vrai… et c'est faux. Car pour les enfants, où est la
différence ? Être livré à soi-même, ne voir ses parents qu'en coup de vent, les
sentir toujours entre deux réunions ou deux coups de téléphone, passer plus de
soirées avec la baby-sitter qu'avec eux, est toujours (et fort justement) mal
vécu par les enfants… que ce soit pour des impératifs professionnels ou pour «
la bonne cause ».
- Dieu ne nous demande jamais deux
choses contradictoires : autrement dit, s'Il veut que nous aimions à la fois
nos enfants et les autres, c'est qu'Il nous a donné un cœur assez grand et
assez inventif pour concilier les deux. En effet, bien comprise, l'ouverture
aux enfants extérieurs à la famille, loin de nuire à nos propres enfants, les
aide à grandir dans l'amour. « Bien comprise », c'est-à-dire comprise comme une
affaire de famille. Les enfants qui souffrent de carences familiales ont
besoin, avant tout, de goûter ce que veut dire «vivre heureux en famille» : il
y a des choses que des adultes seuls ne pourront pas leur apporter et qu'ils
trouveront seulement au sein d'une famille, avec tout ce que cela représente
d'échanges et de communion. Même si tel ou tel jeune est amené à la maison plus
particulièrement par l'un de nos enfants, il n'en reste pas moins que c'est
toute la famille qui est concernée : celui que nous accueillons doit sentir
qu'il a sa place non seulement en tant qu'ami d'un des nôtres mais pour
lui-même, parce qu'il est une personne unique et irremplaçable.
- Être une famille aux bras ouverts
n'est pas une question de savoir-faire ni d'expérience. C'est une question
d'amour. Il suffit d'ouvrir sa porte et de s'en remettre au Seigneur. Comme le
disait le Père Chéreau : « Pas besoin de faire des choses extraordinaires,
il suffit d'être simplement soi-même. » Le plus important est d'aimer
chacun tel qu'il est. Cela dit, il faut aussi savoir demander conseil car
l'accueil de certains jeunes peut parfois poser des problèmes réellement
difficiles. Il faut rester constamment attentifs à nos propres enfants : il ne
s'agit pas de les surprotéger ou de ménager un confortable égoïsme, mais
seulement de continuer à leur donner l'amour concret dont ils ont besoin. Il
faut accepter les avis de ceux qui nous aident à accepter nos limites. Limites
qui se résument en une seule : quel que soit l'amour que nous portons aux
enfants « des autres », ils ne sont pas « nos » enfants. Nous ne remplacerons
jamais leurs parents et tout ce que nous leur apportons doit les conduire, non
à renier leur père et leur mère, mais à s'engager sur le chemin du pardon et de
l'amour confiant.
Christine Ponsard
(1) Les orphelins de 16h30 :
L'apostolat du Père Chéreau. Famille Chrétienne n°823, 21 octobre 1993, p.20 et
21.