(par Hélène BRUNSCHWIG, psychologue et
psychanalyste)
Quelles qualités à votre avis, les
grands-parents doivent-ils spécialement apporter aujourd'hui ?
Les grands-parents sont une réserve
d'affection, simple d'accès, sans condition. On n'est ni pressé ni stressé avec
eux. On n'a pas besoin de réussir ; on prend le temps et on apprend des choses
GRATUITES : le théâtre, les confitures, la cuisine, le tricot… Ce qu'on peut
moins faire avec les parents car il y a les devoirs scolaires et les conflits
d'autorité.
Les rivalités sont moins fortes, les responsabilités moins grandes ; les grands-parents peuvent se permettre l'indulgence et même la complicité. Certains font contre - poids à l'inquiétude des parents. Ceux-ci sont tellement exigeants avec leurs enfants qu'il est bénéfique que des grands-parents rassurent, temporisent, adoucissent…
Ils réussissent d'ailleurs parfois mieux avec leurs petits-enfants qu'avec leurs propres enfants !
Les rivalités sont moins fortes, les responsabilités moins grandes ; les grands-parents peuvent se permettre l'indulgence et même la complicité. Certains font contre - poids à l'inquiétude des parents. Ceux-ci sont tellement exigeants avec leurs enfants qu'il est bénéfique que des grands-parents rassurent, temporisent, adoucissent…
Ils réussissent d'ailleurs parfois mieux avec leurs petits-enfants qu'avec leurs propres enfants !
Un grand-père et une grand-mère
ont-ils des rôles identiques ?
Non, le grand-père n'est pas la
grand-mère. Les grands-pères sont merveilleux pour initier leurs petits-enfants
à leur hobby, la lecture, le jardinage, le bricolage, la musique, la visite des
musées, les jeux de cartes…, etc., pour leur redonner du goût à l'école ou les
sortir d'un CONFLIT.
Mon père a réussi à faire manger de
la viande à l'un de mes enfants qui ne supportait que les bouillies, en
l'entraînant à la "chasse aux buffles", à la campagne. Les chasseurs
revenaient fourbus et dévoraient leur quartier de buffle (beefsteak rebaptisé)…
La grand-mère aura un rôle différent
et tout aussi utile pour décharger la mère ou le père dans des moments de
tension et de fatigue, pour prendre le relais : elle est comme la deuxième
chance, la roue de secours indispensable.
Beaucoup d'enfants sont élevés
aujourd'hui principalement par leurs grands-parents. Quelles conséquences cela
peut-il avoir sur leur construction psychologique ?
J'ai connu plusieurs enfants, dans
ma clientèle, élevés par les grands-parents. Pour des raisons économiques la
plupart du temps : la mère est seule et doit travailler. Parfois, c'est un
handicap physique de l'un des deux parents.
L'aide est alors indispensable. Mais
il arrive qu'elle soit rendue difficile à cause des conflits qu'elle peut
engendrer.
Parfois aussi, c'est sur une certaine défaillance des parents, grossie par les grands-parents, que vient se greffer une volonté de possession des petits-enfants par les grands-parents, qui évincent complètement les parents. La grand-mère dit :"Ma fille est incapable d'élever sa fille", mais lorsqu'on écoute la fille, on entend :"Ma mère m'empêche d'élever ma fille".
Les conflits sont tellement emmêlés qu'on a du mal à s'y retrouver. Les rivalités jouent à plein. L'enfant est ballotté entre parents et grands-parents, déchiré par ses loyautés envers les uns et les autres, culpabilisé en permanence.
Parfois aussi, c'est sur une certaine défaillance des parents, grossie par les grands-parents, que vient se greffer une volonté de possession des petits-enfants par les grands-parents, qui évincent complètement les parents. La grand-mère dit :"Ma fille est incapable d'élever sa fille", mais lorsqu'on écoute la fille, on entend :"Ma mère m'empêche d'élever ma fille".
Les conflits sont tellement emmêlés qu'on a du mal à s'y retrouver. Les rivalités jouent à plein. L'enfant est ballotté entre parents et grands-parents, déchiré par ses loyautés envers les uns et les autres, culpabilisé en permanence.
Heureusement, ce n'est pas la
majorité des cas !
Est-ce qu'un grand-père peut
remplacer un père, ou une grand-mère une maman ?
Tout dépend de la situation : si la
maman est encore en vie, si elle revient le soir, si l'enfant est en pension
complète chez sa grand-mère…
Je reçois beaucoup d'enfants
orphelins. Il est évident qu'un grand-père ne remplace pas un père, mais qu'il
est extrêmement précieux pour offrir une image masculine stable dans une
famille sans père, ou avec un père trop absent.
Les problèmes surgissent lorsque les
grands-parents sont les substituts des parents vivants.
Je connais une grand-mère à qui sa fille avait confié sa petite-fille : c'était plus pratique que la crèche, cela lui permettait d'aller travailler l'esprit tranquille… Un jour, cette jeune femme a dû déménager avec son mari : la petite fille a été arrachée à sa grand-mère. Horrible ! La petite fille a vécu cette déchirure comme la mort d'une mère.
Une grand-mère, sa fille et son bébé viennent me voir. La jeune femme me dit, alors que son enfant braille dans ses bras :"Elle se réveille exprès la nuit pour m'embêter !". La petite a quatre mois !
Je connais une grand-mère à qui sa fille avait confié sa petite-fille : c'était plus pratique que la crèche, cela lui permettait d'aller travailler l'esprit tranquille… Un jour, cette jeune femme a dû déménager avec son mari : la petite fille a été arrachée à sa grand-mère. Horrible ! La petite fille a vécu cette déchirure comme la mort d'une mère.
Une grand-mère, sa fille et son bébé viennent me voir. La jeune femme me dit, alors que son enfant braille dans ses bras :"Elle se réveille exprès la nuit pour m'embêter !". La petite a quatre mois !
Nous parlons. Cette jeune femme me
confie qu'elle se croit nulle, incapable de s'occuper de sa fille ; la
grand-mère qui pense bien faire a donc pris sa place. Toute sa place. Du coup,
la mère se sent encore plus nulle, et l'enfant braille encore plus fort !
Cette imbrication s'est dénouée en
une seule séance d'une heure et demi : j'ai valorisé la grand-mère comme
grand-mère, et non comme substitut maternel, et la mère comme mère. Tout d'un
coup, la fille a demandé :"Maman, comment faisais-tu, toi ?". La
grand-mère, qui avait eu huit enfants, a répondu :"J'ai essayé comme cela,
mais ça n'a pas été facile…"
Bref, elle est redevenue une
donneuse de conseils et non plus "celle qui fait à la place".
Au bout de trois quarts d'heure, le
bébé ne pleurait plus, il reposait, paisiblement, avec une grand-mère qui était
une grand-mère et une mère qui était une mère. C'est ma psychothérapie brève la
plus réussie !
"Les grands-parents stabilisent leurs petits-enfants", dites-vous. Observez-vous leur importance comme transmetteurs ?
Bien sûr. En faisant la soudure
entre le passé et le présent, ils ouvrent les portes de l'avenir.
Un élément me paraît d'ailleurs important : les grands-parents sont la mémoire de ce qu'étaient les parents quand ils étaient jeunes. Beaucoup de petits-enfants sont ravis de demander à leurs grands-parents :"Dis, comment il était, Papa, quand il était petit ?" ; "Est-ce qu'il faisait des bêtises comme nous ?" ; "Est-ce que Maman travaillait bien à l'école?" ; etc.
Un élément me paraît d'ailleurs important : les grands-parents sont la mémoire de ce qu'étaient les parents quand ils étaient jeunes. Beaucoup de petits-enfants sont ravis de demander à leurs grands-parents :"Dis, comment il était, Papa, quand il était petit ?" ; "Est-ce qu'il faisait des bêtises comme nous ?" ; "Est-ce que Maman travaillait bien à l'école?" ; etc.
Ils sont les garants du passé, une
courroie privilégiée de transmission, un facteur d'identification très
important, notamment quant à l'origination des enfants, tant au niveau
inconscient que conscient.
Un jour, un enfant vient me voir, pour des difficultés scolaires très importantes, assorties d'un mal de vivre à la maison, frisant la dépression. Devant son mutisme, ne sachant pas trop quelle question poser et après avoir compris qu'il rentrait de vacances, je lui ai demandé s'il a passé des vacances chez ses grands-parents :"Oui", répond-il -"Et comment les appelles-tu ?" -"Je ne sais pas" -"Où habitent-ils ?" -"Je ne sais pas".
Le flou des réponses m'intrigue tellement que j'interroge sa mère. Elle m'apprend qu'il a perdu sa grand-mère paternelle ; que son grand-père paternel est brouillé avec son père et qu'il va le voir en cachette tout en n'étant pas sûr que c'est son grand-père ; qu'il lui reste sa grand-mère maternelle dont il ignore qu'elle est la mère adoptive de sa mère ; et que le grand-père maternel est inconnu.
Un jour, un enfant vient me voir, pour des difficultés scolaires très importantes, assorties d'un mal de vivre à la maison, frisant la dépression. Devant son mutisme, ne sachant pas trop quelle question poser et après avoir compris qu'il rentrait de vacances, je lui ai demandé s'il a passé des vacances chez ses grands-parents :"Oui", répond-il -"Et comment les appelles-tu ?" -"Je ne sais pas" -"Où habitent-ils ?" -"Je ne sais pas".
Le flou des réponses m'intrigue tellement que j'interroge sa mère. Elle m'apprend qu'il a perdu sa grand-mère paternelle ; que son grand-père paternel est brouillé avec son père et qu'il va le voir en cachette tout en n'étant pas sûr que c'est son grand-père ; qu'il lui reste sa grand-mère maternelle dont il ignore qu'elle est la mère adoptive de sa mère ; et que le grand-père maternel est inconnu.
Bref, la situation est difficilement
compréhensible, et c'est le flou total dans sa tête !
Je propose à la maman de faire
ensemble un arbre généalogique de la famille, paternelle et maternelle, devant
lui. Elle accepte. Cela a été une expérience inoubliable : nous avons re -
situé tout le monde, le chaos s'est organisé.
On a parlé de la brouille du père et du grand-père, non dite jusque là ; on a même parlé d'un arrière-grand-père de 102 ans, que tout d'un coup toute la famille a décidé d'aller voir… Et le père a accepté de parler de ses difficultés.
Au bout d'un mois, j'ai vu l'enfant se réveiller, ses yeux étinceler à nouveau, son intérêt pour l'école refleurir. Et quelques semaines plus tard, il m'annonçait fièrement :"Je serai historien !".
L'histoire de la vie commence dans la famille par la connaissance de notre origine. On ne peut accomplir sa vie que dans une trajectoire historique personnelle, sinon, tout est répétition mortifère. Et les grands-parents ont un rôle primordial dans cette construction.
On a parlé de la brouille du père et du grand-père, non dite jusque là ; on a même parlé d'un arrière-grand-père de 102 ans, que tout d'un coup toute la famille a décidé d'aller voir… Et le père a accepté de parler de ses difficultés.
Au bout d'un mois, j'ai vu l'enfant se réveiller, ses yeux étinceler à nouveau, son intérêt pour l'école refleurir. Et quelques semaines plus tard, il m'annonçait fièrement :"Je serai historien !".
L'histoire de la vie commence dans la famille par la connaissance de notre origine. On ne peut accomplir sa vie que dans une trajectoire historique personnelle, sinon, tout est répétition mortifère. Et les grands-parents ont un rôle primordial dans cette construction.